( De l’envoyée spéciale de TAP Meriem Khadraoui)
L’initiative d’engagements pour la biodiversité « Biodev 2030 Tunisie » offre le cadre général idoine pour mettre en place ce système capable de mesurer l’impact de la biodiversité sur les secteurs économiques et la vie des citoyens.
La Tunisie ne dispose pas d’un système national capable de comptabiliser le capital naturel et évaluer clairement sa contribution au revenu intérieur brut. C’est pour cette raison que les autorités environnementales, les experts et les acteurs travaillant sur la biodiversité œuvrent en vue d’atteindre cet objectif.
L’initiative d’engagements pour la biodiversité « Biodev 2030 Tunisie » offre le cadre général idoine pour mettre en place ce système capable de mesurer l’impact de la biodiversité sur les secteurs économiques et la vie des citoyens.
A titre d’exemple, plus d’un million de Tunisiens vivent près des forêts qui représentent, pour eux, une source de revenu. Les écosystèmes forestiers revêtent un intérêt particulier en Tunisie et à l’échelle internationale. Le congrès de Marseille a, d’ailleurs, consacré 400 manifestations à ces écosystèmes.
Financé par l’Agence française de développement (AFD), coordonné par Expertise France et mis en œuvre par le Fonds mondial pour la nature (WWF), durant deux années (2020-2022), ce projet pilote a pour objectif d’intégrer la question de la conservation de la biodiversité dans au moins deux secteurs stratégiques qui impactent le plus la dégradation de la nature.
Dans une déclaration à l’agence TAP, Yosr Nehdi, cheffe de ce projet et responsable des politiques de plaidoyer auprès du bureau de WWF, BIODEV2030, a souligné que ce programme aspire à faire sortir la biodiversité du cadre étroit du Fonds pour aller vers les acteurs du secteur public et privé en Tunisie.
Elle a ajouté, dans ce contexte, que la question de la biodiversité reste marginalisée dans les débats politiques et les politiques publiques.
A l’échelle mondiale, les activités humaines ont contribué, durant les dernières décennies, à la dégradation de près de 75% des sols de la planète, selon un rapport publié, en 2019, par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes).
Bien que la biodiversité contribue à 17% du revenu national brut mondial, et s’il est vrai que 50% de l’économie mondiale reste tributaire des ressources naturelles, les sommes d’argent allouées à la protection de la nature et au développement durable ne dépassent pas les 0,001%.
Ces indicateurs alarmants sur les niveaux de dégradation des différents écosystèmes (marins et terrestres) sont récurrents dans les débats et discours des panélistes, experts et militants écologistes parmi les participants au Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn), qui se tient du 3 au 11 septembre au Centre d’expositions et de conférences à Marseille (France). Cette conférence se tient à un moment fatidique, où le monde entier traverse une crise sanitaire et économique, en raison de la propagation du Covid-19, qui a paralysé l’économie, contribué à la perte de milliers d’emplois, bouleversé les habitudes des gens et les a incités à reconsidérer leur relation avec la nature. Cette crise a, néanmoins, permis à la nature de souffler un peu, suite au confinement sanitaire. Cependant, le monde est-il prêt aujourd’hui à faire une trêve et à conclure un accord de réconciliation et de paix avec la nature ? C’est la question la plus importante qui revient comme un leitmotiv, au cours des différentes manifestations organisées lors de ce congrès auquel participe la Tunisie aux côtés de plus de 5 mille participants.
Des solutions lentes face à une crise croissante
Alors que la société civile appelle à une action concrète et à une intervention urgente pour sauver ce qui doit être sauvé, les efforts sont focalisés sur l’évaluation des causes de la dégradation de la biodiversité et leurs liens avec l’eau, l’alimentation et la santé, d’autant plus que les cadres législatifs, surtout dans les pays en voie de développement, font encore obstacle à l’avancement des projets de préservation de la nature et de la protection de ses ressources.
Au cours du congrès de Marseille qui précède le dernier round supervisé par les Nations unies de la 26e session de la Conférence des parties (COP 26) à la Ccnucc (novembre 2021 à Glasgow (Ecosse)), les participants aux travaux de l’Uicn devront prendre une décision finale qui sera présentée pour vote au sommet de la biodiversité, qui se tiendra en Chine entre avril et mai 2022. L’objectif recherché est de faire pression en vue de prendre des dispositions strictes et contraignantes en matière de préservation de la nature.
Parmi ces mesures, déclarer 30% de la superficie de la terre et 30% des aires des océans en tant que zones protégées à l’horizon 2030. Cela signifie qu’il faut limiter les activités de l’être humain dans les zones comprenant des réserves en biodiversité, ou les interdire complètement dans d’autres zones, dont les écosystèmes sont en état de dégradation. Pour rappel, le rapport de l’Ipbes révèle que plus de 85% de la superficie des zones humides dans le monde ont été détruites, lesquelles (zones ) sont considérées comme ressources précieuses dans le domaine de la biodiversité, pouvant accueillir différentes formes de vie et représentant une source de revenus pour bon nombre d’habitants.
Selon le même rapport, la dégradation de la biodiversité que connaît le monde aujourd’hui va paralyser la réalisation de 80% des objectifs escomptés sur le plan international au niveau de la lutte contre la pauvreté, de la famine ainsi que celui de l’amélioration des services sanitaires. Dans une déclaration à l’agence TAP, Mohamed Ali Ben Tmesk, point focal représentant la Tunisie à la Convention internationale de la biodiversité dont le siège est à Montréal (Canada), a souligné que le rythme de l’exploitation humaine des ressources naturelles et des écosystèmes dépasse largement sa capacité de renouvellement. «Le monde est entré depuis 29 juillet 2021 dans une phase délicate caractérisée par la dépendance de l’être humain à la nature. Cette situation va coûter cher au monde dans les années à venir si on ne déploie pas des efforts supplémentaires pour rattraper le temps perdu, puisque nous sommes confrontés à une situation de zéro ressources», a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Il faut prendre les choses au sérieux au niveau local en œuvrant dans un cadre d’une approche participative pour changer effectivement la réalité et les comportements afin de limiter la dégradation de la biodiversité et de faire en sorte que les parcs et les zones naturelles ne soient pas des projets sur papier».